Trois livres viennent de paraître aux éditions Érès : le blues du coquillage de Hannes Bramness, secondes de Yannis Ristos et hors-champ de Philippe Judlin....
le blues du coquillage
Hanne Bramness
ISBN :978-2-7492-3734-3
été 2013
non paginé
Éditions ERES
Collection Po&psy
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Hors champs
Philippe Judlin
ISBN :978-2-7492-3842-5
Juin 2013
non paginé
Éditions ERES
Collection Po&psy
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Secondes
Yannis Ristos
Éditions ERES
Collection Po&psy
ISBN : 978-2-7492-3841-8
Juin 2013
96 pages
Trois livres viennent de paraître aux éditions Érès : le blues du coquillage de Hannes Bramness, secondes de Yannis Ristos et hors-champ de Philippe Judlin. C’est toujours un plaisir que de tenir entre ses doigts un livre de la collection PO&PSY. Et souvent une surprise, que de découvrir leur conception et leur pagination. Parfois, un livre avec des pages non reliées et rassemblées entre les rabats d’une chemise faisant office de couverture, comme c’est le cas pour le blues du coquillage qui rassemble poèmes courts et images dans des feuillets qui alternent dès l’ouverture du livre.
De la même façon, la surprise en cette forme donnée au livre, se poursuit avec hors-champ. Ses pages non brochées, rassemblent des poèmes et des encres sombres aux formes picturales hétéroclites et au graphisme rappelant l’enfance.
l’enfant fait de sa joie / un fragment d’ivresse / la terre tournoie sous ses pieds
On songe à des graffitis que l’on pourrait trouver sur des cahiers d’écoliers ou sur des murs urbains. Face picturale de la page ces écritures hésitantes reproduisent le court poème, inscrit au verso du feuillet, en une calligraphie qui ajouterait par la distorsion des mots un sens supplémentaire au poème.
la torsion du mot / à l’objet / éparpille ce qui doit être dit
Les mots et les vers ainsi diffractés dans une graphie imprécise se mêlent aux pigments sombres des encres.
l’éclair tisonne le ciel noirci /
L’écriture surgit et la poésie a peut-être un pouvoir révélateur, même si :
dans un bruit blanc / se disloquent les heures retenues de la nuit / le réel est là / sans image
Le livre reposé le lecteur s’interroge. Qu’est-ce qui préexiste de l’écriture ou de la peinture à l’existence de ces pages ? Le poème comme une quête ne serait-il abouti qu’au coût de la distorsion de son écriture laissée ici à l’invention ou au hasard, du mouvement des mains et de l’inconscient ?
À l’issue de l’opuscule on ne peut toujours le dire mais le questionnement que ces pages font naître demeure et justifie déjà ce livre inattendu.
Secondes de Yannis Ristos, proposé en version bilingue grec-français, est inédit dans cette traduction française de Marie Cécile Fauvin. Il est le dernier des quatre recueils publiés par le poète en 1999 à titre posthume. L’éditeur nous précise que le poète était déjà aux prises avec « le sombre soupçon que cet été sera le dernier » lorsqu’il a écrit ce poème entre août 1988 et janvier 1989. Dès le début du livre on découvre rapidement un des vers indiquant objectivement la sombre orientation de leur écriture à l’approche de la mort. Comme en des clairs-obscurs l’avenir est ici pressenti avec une tristesse et une fatalité acceptée : si tu disais « demain »/ tu mentirais.
Yannis Ristos en isole les symptômes, comme la vacuité du monde qui s’annonce,
Ils sont partis, les uns en bateau / les autres en train /… la carte au mur est vide.
Ou par l’effacement du temps et de ses espaces qu’il ressent
Ils ont cherché toute la nuit avec des lanternes./Ils ont laissé au port les noyés./ Ils ont embarqué les chevaux. L’horloge de la Douane/ n’a pas d’aiguille.
Le désir même s’affadit et s’estompe,
Pierres peintes,/ Beaux visages, beaux corps. / Ils t’indiffèrent.
Cependant le poète mène une lutte intérieure et recherche des raisons d'espérer
La nuit parfois, encore aujourd’hui, / un rossignol me somme / de dire à nouveau « oui ».
mais semble à nouveau prêt à renoncer
…./ Mon dernier sou / est tombé dans les galets blancs. / Je ne baisse pas pour le ramasser.
Ainsi Yannis Ristos erre dans ses sentiments ambivalents entre le renoncement et la lutte
Où que tu ailles, la mort / marche sur tes talons. / Tu te retournes un instant et tu lui montres
/ une fleur ou un poème / et la mort s’en va./…
Le livre illustre ce dernier combat que livre le poète. Les poèmes en marquent les étapes comme autant de territoires perdus ou regagnés aux champs de l’espérance et de la vie ;
Il ne rend pas les armes, il s’efforce d’opposer / quelque chose de beau à la nuit qui vient./…
Yannis Ristos pressent que la fin est proche et transmet dans les poèmes ses états d’âme qui alternent d’une face sombre à celle où parfois brille faiblement un falot dans un ciel d’espoir.
C’est un livre poignant autant par la simplicité du langage employé que par le dévoilement de l’homme face à lui-même d’abord et à son avenir proche. Le livre est un miroir où les poèmes font écho, sans manière ni artifice, à sa vie intime et profonde.
Nous revenons à ce que nous avons quitté,/…
N'ayant plus personne à tromper,/surtout pas nous-mêmes.
Secondes est un texte touchant qui nous fait percevoir dans la clarté des poèmes la solitude éprouvée par Yannis Ristos à l’approche de son dernier rivage.
hm