Sa mémoire m’aime.
Cécile Guivarch
Les carnets du Dessert de Lune – 1er semestre 2023
Écrit dans la veine de ses livres précédents, Cécile Guivarch revient pour crier son amour filial avec Sa mémoire m'aime paru aux éditions Les carnets du dessert de Lune. C'est
hélas pour rendre aujourd'hui un hommage à sa mère disparue. Celle qui lui aura transmis une tendre passion pour sa lignée familiale.
Dans ses poèmes en prose, l'écriture de Cécile Guivarch est encore tremblante, imprégnée du chagrin que suscite cette disparition. Dès les premiers poèmes la poète rappelle la première relation
charnelle qui unit un enfant et sa mère.
"Dans et contre ma mère. Petite. Tête enfouie dans son cou. Son odeur. Sa peau. Tout va bien. Ferme les yeux. Endors-toi."
Dans une volonté à rejoindre l'état de cette fusion l'autrice esquisse une forme de relation étroite et créatrice propre à l'arbre.
"Je viens d'elle de chacune de ses extrémités. Elle me commence. Je la poursuis. M'enfance avec elle. Je fleur au bout de ses doigts. Elle arbre. Se ramifie. Je fleuris sur toutes ses
branches."
Les sujets s'incarnent et des mots prennent une forme verbale donnant au poème une allure étonnante et métaphorique unissant mère et fille dans une forme d'arbre de vie.
Atteinte par la maladie d’Alzheimer les souvenirs chez sa mère disparaissent progressivement. Une situation paradoxale pour cette femme qui transmit la mémoire de l’histoire familiale à sa
fille.
"Je voulais te parler ma petite maman mais tu n'as plus toute ta tête. Tu arroses tes pensées. Soucis à nettoyer pour empêcher les mauvaises herbes."
Dans cette urgence à dire, la langue va au plus sensible des souvenirs qui s’égrènent dans les poèmes. Partager les souvenirs c'est être plus proche de la mère, ne pas vouloir la laisser
s'éloigner en la conservant auprès de soi. Ce livre les rassemble et les sauve avec des poèmes d'une grande sensibilité.
"J'ai collé mon corps contre le tien. Puis ma joue et la tienne. J'ai peur. Ta peur. Mon corps contre le tien. Et tout pourrait valser. Ta peur. Face à la mer. Il manque l'odeur de l'iode dans
l'air mais j'ai trouvé du sel sur ta peau. Le goût sur mes lèvres"
L'écriture ici tend à réunir de nouveau la mère et la fille. Elle est mue par un langage qui sourd instinctivement chez l’autrice. Les souvenirs se succèdent en différentes époques de la
vie. Les mots se suivent et s'intercalent en phrases brèves. Ils jaillissent en souffles courts dans cette volonté à dire l'amour pour la mère. Et transmettent ainsi le grand chagrin
que la perte d’une mère occasionne pour l'enfant que l'on reste toujours.
Le lecteur est pris par l'intensité des poèmes jusqu'à revivre en lui ces moments de pertes irréparables qu'il a parfois déjà vécu.
Comme écrit dans un même souffle Sa mémoire m'aime est un livre poignant qui va au centre des sentiments les plus vrais. Une belle sincérité qui touchera les lecteurs.
hm