Retenu par ce qui s’en va
Jean-François Mathé
Éditions Folle Avoine
Août 2015
voilà le monde en partie donné/ et pour le reste inventé vrai/ par la lucidité des rêves
Ces quelques vers qui règlent la tonalité du livre sont extraits du premier poème qui débute Retenu par ce qui s’en va. Ce beau titre aux signifiés antagonistes pique la curiosité et rappelle dans sa syntaxe le titre d’un précédent livre de Jean-François Mathé Chemin qui me suit.
Qu’est-ce qui s’en va dans ce sentiment de regrets perçu dans le livre ? Est-ce la poésie dont il est directement question dans les deux derniers poèmes du livre ? Et évoquée en ces termes au passé :
Des mots, je n’ai peut-être aimé/ que le souffle qui vient aux lèvres
Ou est-ce plutôt la vie, qui s’efface proportionnellement aux pas qui avancent dans le jour ?
Parce que tout est devant/ dans le nouveau paysage
L’ombre de la mort traverse les poèmes du livre entre les éclaircies de la mémoire, la présence de l’aimée et l'infaillible du temps qui dresse ses murailles.
et de la neige qui commence à tomber/chacun reçoit le flocon froid/ qu’il lui faut ajouter à son âge
Ce court livre de Jean-François Mathé, précédé de trois vers d’Aragon sur la perception du temps, pourrait bien clore l’œuvre édifiée depuis quatre décennies. Et le grand nombre de poèmes dédicacés serait alors entendu comme le signe d’un salut du poète aux amis, poètes et éditeurs.
Dans les pages, la tonalité des poèmes est égale et une délicatesse s’y exprime sereinement autour de la lente évanescence des jours et des joies.
Et ce souffle lent, mesuré et profond qui habite les poèmes emporte avec lui cette once d’espérances et de regrets mêlés.
Ce qui est retenu, c’est la vie qui s’échappe de l’homme incessamment depuis sa première respiration. Elle a suscité cette aventure de vivre dans la beauté de paysages, le désir de l’amour, la lumière des visages. Ce sont ses fruits, retenus, qui miroitent dans le creux des poèmes.
La mémoire de Jean-François Mathé demeure entière et vive de son émotion pour préserver tous ces biens engrangés au moment où l’hiver s’approche. Ils ont enluminé les jours et il faudra à grand regret en être séparé. Mais la poésie veille et conserve toutes les moissons des jours dans
le souffle vif et vrai du poème.
L’émotion seule est le recueil de mes poèmes.
hm