Même pas suivi de On n’en peut plus
Claudine Bohi
Éditions le bruit des autres
ISBN : 978-2-35652-038-8
110 pages
12 €
Ce livre qui a paru en 2009 aux éditions aujourd’hui disparues le bruit des autres, rassemble deux textes qui auraient pu faire pour chacun l’objet d’un seul livre. Mais voilà, le thème de la disparition y est au cœur, battant d’un rythme à l’unisson de la peine.
C’est ce rythme, celui du corps vibrant d’une émotion qui relie ces deux longs poèmes. Non pas un rythme même, d’une fréquence égale mais celui saccadé qui vibre au creux de la poitrine humaine suite à l’absence de ceux qu’on ne reverra plus. Ce rythme vital du corps vivant.
Dans Même pas les vers sont brefs, la respiration courte. Les poèmes ténus forgent le souffle de la voix dans la bouche. Ils partagent une émotion au rythme de la césure des vers par-delà le signifiant des mots. Parfois inachevé le vers se referme sur des ellipses aux incertitudes inquiétantes. Le manque et l’absence déjà envahissent l’être dans son chagrin et ses suffocations. Vers courts haletant. Brièveté des mots face à l’éternité d’absence. Le chagrin qui s’écoule dans les vers marque l’urgence de dire le manque, la peur et les tremblements du corps plaignant.
Nommer ce qui manque/ et dont la mort/ cache le nom/ usurpe
La mort interpelle le corps dans tous ses membres,
revient le bruit / où se mêlent les os
et le poème restitue une expérience difficile de vivre où le rythme bat de la pulsation des veines et des émotions du corps :
C’est juste au bord du gouffre / être soi comme un souffle
Avec on n’en peut plus le rythme encore fait sens dans le poème. Mais cette fois ce sont les respirations qui sont brèves tandis que la voix ne cesse de se répandre dans l’espace. Reprendre souffle est difficile. La voix ne cesse de dire. D’évoquer. De remplir les silences comme pour effacer les traces de l’absence. Ces morts désormais dans leur silence mais demeurant dans la mémoire vivants. Ils manquent. Et le rythme du cœur battant de l’émotion voudrait les rattraper. Leur redonner vie. Le poème dans son rythme est une litanie. C’est un souffle vidant le corps de tous ses mots possibles. Sans fin. Sans pause. Tout juste le temps d’une respiration où le corps évacue ses angoisses, ses inquiétudes inhérentes au beau métier de vivre.
on est en vrac / ce qui chahute au fond ce qui remue la vie ce qui tangue ça ne se calme pas on chavire chaque seconde...
Avec cet ensemble, on ne peut oublier que Claudine Bohi est thérapeute et qu’elle porte en elle de multiples paroles de plaintes et de souffrances.
Entre le souffle coupé du manque, ce rythme trop bref du corps dans Même pas et celui de on n’en peut plus qui n’en finit pas de remplir le monde d’expirations verbales et de mots sans limites comme un récitatif qui apaiserait les tremblements de l’être, le livre dit la douleur ancrée au corps.
Dans ses rythmes il exprime la difficulté de vivre et la souffrance de l’être humain face à l’absence de l’autre. Comme un acte nécessaire de la parole écrite, il permet à Claudine Bohi de reprendre souffle d’une respiration nécessaire à poursuivre le cours de sa vie.
hm