Le fil de givre
Isabelle Lévesque
Al Manar éditeur
ISBN : 978-2-36426-225-6
Mai 2018
68 pages
16 €
En vers et en proses les poèmes assemblés dans le livre sont tels un bouquet de fleurs que la poète affectionne et que l’on cueille dans les prés aux hasards des chemins. Ici sous les feuillages ombrés de la mémoire. Et il faut trouver au bouquet le juste arrangement des fleurs pour restituer l’émotion des souvenirs. Une quête où la poète s’engage avec ce livre.
L’univers d’Isabelle Lévesque prend racine d’emblée dans le territoire calcaire des rives de la Seine où elle réside. C’est à partir d’un lieu concret que s’édifie son paysage poétique constitué de réminiscences intimes et de paysages réels ou imaginaires.
« Escalier droit, marches larges. Jour au pied de la falaise calcaire. Nous gravissons les degrés couverts de lierre. »
C’est par le chemin du poème qu’Isabelle Lévesque rejoint cet univers. Celui d’une enfance peut-être ou d’un temps passé qui fut cher. Le langage y est parfois mystérieux et le lecteur n’y accède que par suppositions face aux vers sibyllins qui ouvriraient les portes de sa mémoire.
« Loin qui cogne et contre temps ? /Où vaciller ? Le cœur en sa faveur demeure – craie évanouie. Un son se perd, le sort, pire victoire en voyelle. Espère. »
Idiome, langage profond, poèmes pour innerver une émotion toujours vive et singulière.
« Viscères, plus de, moins, calcul mental, la retenue. / J’oublie, je cogne. »
L’espace intérieur d’Isabelle Lévesque ne semble accessible que par les arcanes du poème qui circonscrit le lieu d’une mémoire fondatrice. Les poèmes rouvrent un dialogue interrompu. Les vers sont bousculés par des ruptures, des énumérations, des ellipses… Mots seuls parfois laissés en guise de vers. Vers et prose mêlés, le rythme va ainsi du poème à la voix. L’écriture ouvre large à la parole jaillissante.
Entre les pronoms personnels je, tu et nous un horizon apparaît dans les vers comme le lieu de moments partagés.
« Ce que nous fûmes résonne »
Un précieux passé qu’Isabelle Lévesque voudrait raviver.
« Peindre, écrire, renouer les fibres déliées,/ »
Le lecteur se déplace dans ce lieu secret aux horizons singuliers. Ceux de deux êtres liés au sein d’un même univers, ayants vécus des épisodes marquants et constitutifs aujourd’hui de la poète seule. Les poèmes restituent ces émotions aux rives du corps vivant. Le dialogue se poursuit alors avec ce tu renaissant dans les vers :
« Matin clair dis-tu dans l’emportement et les frasques./... »
Peut-être est-il un serment ou une promesse à la source de la poésie d’Isabelle Lévesque comme ces vers le font penser :
« Tu veux. Des poèmes./ Je m’attelle. Tu souris. Alors possible. / Je ferai, juré, les phrases ou les vers./... »
puis, comme en signe de fidélité elle poursuit :
« Signe vif, le serment silencieux ne craint / ni l’oubli, ni la nuit./... »
Souvenirs ravivés par le creusement des poèmes, source vive d’un lieu natif, la poésie est ici ce « Fil de givre » fragile préservé dans la mémoire. Un lieu à la fois cher et nostalgique partagé avec l’autre, aimé, perdu puis rejoint par la grâce du poème.
« L’horizon s’éloigne, notre jour se borne au songe./ je t’embrasse. / ... – c’est ton ombre, autour de tes bras, autour de ta vie, corde fine, brindille. Fil de givre ? »
hm