La sardane d’Argelès
Serge PEY
Le dernier télégramme éditeur
ISBN : 978-2-917136-77-5
Mai 2014
88 pages
13 €
Fuyant les troupes franquistes en 1939, cinq cent mille républicains espagnols arrivent en France. Sur le rythme de la sardane, symbole de la nation catalane, Serge Pey rend hommage à ceux qui furent comme son père, emprisonnés sur les plages d’Argelès et abandonnés aux affres de la maladie et des camps concentrationnaires. Sous le signe de la réitération et de l’insistance, le refrain dans le poème soutient contre l’oubli, la dignité de ces réfugiés.
Le poème fait œuvre de mémoire. Ses vers se mêlent aux pas des vivants, unis dans le cercle de la danse et la voix des morts qui se réveille au son de paroles fraternelles. Nulle ponctuation dans le poème, seule la césure marque le temps et la respiration. Et les dos des danseurs se referment dans la ronde de la sardane dansée à l’envers comme si les danseurs protégeaient ou veillaient aux dangers qui menacent toujours.
Le rythme de la danse s’inscrit dans celui du poème et dans la voix du lecteur lisant. Il rappelle cette histoire qui semble sur la plage d’Argelès oubliée par les trépidations des baigneurs et l’amnésie de notre époque.
Les pas de la sardane sur le sable de plage, le même qui s’écoule au sablier du temps, n’ont pas oublié les hommes et femmes, les enfants qui vécurent sur ce lieu. De ses pas frappés sur le sol la sardane stigmatise le rejet des immigrés. Ils martèlent par le corps, une peine, un hommage. Les mots du poète, ce long poème au rythme de la danse les accompagnent et ravivent la mémoire et les souffles des vivants d’aujourd’hui.
Nous comptons deux fois
nos pas courts
au bout de nos sandales
puis encore deux fois
nos pas longs
Et encore les courts deux fois
et les longs quatre fois
jusqu’à compter les pieds
de l’infini
Puis encore deux fois
pour être plus grand
que le nombre du sable
qui compte nos pieds
Deux fois nos pas courts
et deux fois nos pas longs
pour allonger l’infini
d’un pas plus grand que lui
Nous comptons nos pieds nus
jusqu’aux pieds nus
des morts qui dansent à l’envers
dans nos épaules
Et encore quatre fois nos pas courts
les bras baissés
et six fois nos pas longs
les bras levés
Sans nous arrêter
HM