L’Hiver est une main précise
Georges Guillain
Ecrit(s) du Nord
« Les bribes volontaires obstinément /
redites d’une parole vraie »
Le projet de Georges Guillain est peut-être inscrit dans ce vers. Ces bribes, retenus par l’être au cours de son existence, la vie dans les jours qui s’égrène à mesure que nos pas frappent le sol. Il émane de sa poésie des clartés, des pointes d’éclaircies, celles que récolte un quêteur de beautés. Et qui me touchent :
« Ces tranchées de lumières qui hachent le froid dans les jardins »
À surprendre le beau, ces lueurs inopinées qui surgissent, aux encoignures d’un jour gris ou dans les strates de la mémoire, Georges Guillain les isole. Il les assemble, les rassemble en ses poèmes. Vers ténus, entrecoupés de points, qui composent ces strophes le plus souvent espacées dans l’élaboration du poème sur la page. Ces points - peut-être tombés, comme du verbe coudre dont le participe passé cousu est souvent employé ? - assemblent ces bribes, pans lâches, d’un monde, un univers, défait du temps. Recoudre, refaire, recomposer un poème, comme un gabarit de couturière, et bâtir un ouvrage sur le corps du monde. Vêtement, douce pelisse, à nos épaules froides :
« Pièces de ce tissu dont se couvre un moment la / blessure. / p58
Un vêtement pour se prémunir des méfaits d’un hiver à venir…
Ces points, ces espaces, composent un rythme, saccade de la respiration. Pulsation vive, au cœur, notre monde intime.
« Vivre est un chien d’arrêt qui ronge un peu sa laisse » p92
Cette forme d’une maîtrise jamais relâchée édifie le livre. Son rythme s’apaise en de plus long vers dans le dernier ensemble «Fastes et autres jours passés. ». La poésie de Guillain est tendue, alerte, à l’affût dans son élan à témoigner au plus vif de l’intime. Une confrontation au plus - précis - de cette épreuve de vivre. Des vers au plus près de l’image. Simplement beau dirait un enfant. Mais comment dire le monde ? Des vers pour dire la peine, la perte, la solitude. Éprouvée, la poésie de Georges Guillain nous laisse dans l’attente et la joie et cet espoir qu’elle demeure, pour que renaissent en nous :
« Ces papillons froissés du frisson sur la peau »
hm