Là
Yves Boudier
Collection Biennale Internationale de Poètes en Val-de-Marne
66 pages
12 €
Édition Farrago
Quelque chose, que je ne sais nommer, me traverse à la lecture de ces poèmes d’Yves Boudier. Poèmes dont la forme sur la page m’interpelle. Ce n’est pas seulement qu’elle m’intrigue, mais elle m’accroche à sa présence. Peut-être par la sobriété des poèmes, comme des stèles posées sur le calendrier des jours vécus ?
Ce sont quatre ensembles de poèmes, titrés au nom de mois de l’année – Janvier, Février, Mars et septembre -, qui composent ce livre. Épisodes funestes que l’on soupçonne sous le dépouillement du langage, la brièveté de la forme.
En aval du siècle
trois semaines
de l’autre
côté
puis rien
Les poèmes sont courts. Les vers ténus, dans une mise en page aérée. Ce qui caractérise plus particulièrement l’écriture d’Yves Boudier, ce sont les distinctions typographiques utilisées pour différencier les sources du langage. Deux voix, ainsi cohabitent dans les poèmes tout au long du livre. Quelle est cette écriture différenciée – cette voix – qui demeure dans la distance typographique de l’italique et de la parenthèse ? Quel est ce contre-chant, qui accompagne et rythme la parole, comme scindée dès lors, du poète ? Mais voix aussi qui résonne en harmoniques dans son lieu intime et qui fait du poème, ce juste écho du ressenti.
Qui chante là quand toute voix se tait ? ce vers de Philippe Jaccottet interroge au cœur l’émergence de toute parole poétique. Là, dans ce lieu du poème, composé de ces deux voix. Où la parole de l’Être est scindée. L’une se distinguant de l’autre. Distante. En retrait. Un contrepoint se démarquant plus encore sur la page, par un cadrage à droite, semblant dans cette volonté, inscrire plus profondément des frontières ineffables de l’Être. Qui, réside dans le lieu de cette opposition. Quelle douleur, quelle peine trouble ainsi le souffle du poète, jusqu’à la rupture de certains poèmes sur la page, dans cette traversée verticale d’un vide, entre deux écritures se faisant face ?
Quelque chose se passe - Là - que je ne sais nommer. Mais qui m’atteint par le poème sur la page. Et qui me touche.
hm