Juste un mot
Ode Bertrand - Patrick Dubost
Les Lieux Dits Éditions
Collection les 2Rives
Deuxième trimestre 2015
18 €
ISBN 978-2-918113-29-4
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Cette collection des 2Rives au Lieux Dits Éditions offre la particularité de réunir un plasticien et un poète. Ici ce sont des dessins d’Ode Bertrand qui accompagnent dans les premières pages du livre le texte de Patrick Dubost. Peintre et dessinatrice Ode Bertrand est une représentante importante du courant de l’art abstrait géométrique. Ses dessins me font songer à un amalgame de limailles ferreuses qui seraient sous l’emprise d’un champ magnétique. Particules rassemblées dans des formes géométriques inouïes, organisées ou dispersés en lignes de forces visibles. De ce magnétisme-là qui organise d’improbables figures de lignes et de traits, à celui du désir qui anime les mots dans la parole, il n’y a que l’imagination du lecteur.
Et dès les premiers vers, je lis ce texte avec la sensation qu’il s’est écrit dans l’instant où l’auteur le vocalisait dans son énergie du moment.
je dis ma partition comme elle vient.
Ce sont des vers se succédant, s’achevant tous par un point comme autant de silences dans le continuum d’un texte en mouvement que je découvre. Mouvements dans une progression, mouvements de bouche énonçant, mouvements de la pensée. L’auteur recherche une voie pour dire ce qui le guide obscurément, l’interroge et le bouleverse dans sa quête vers l’horizon natif des mots, inexploré et désiré.
Ainsi, le texte qui trouve sa dynamique passée les premières pages, ne cesse de se déployer en crescendo jusqu’au terme du livre où il se referme sur l’origine de son questionnement premier. Comment trouver « un mot », toujours précédé d’un désir en soi, sans jamais y parvenir précisément ? Voilà sans doute un des aspects de la quête de ce livre auquel se confronte Patrick Dubost.
Ces mots d’avant le premier signalement.
D’avant la pensée quand elle commençait à picoter.
C’est une quête d’authenticité à soi-même autant qu’une quête de précision qui est ouverte à tous par ce livre. Une véritable intrusion dans la forge de l’écriture naissante, où l’on pressent le poète dans sa tentative de dire au plus juste des désirs qui l’animent.
Ce livre conçu en dormant.
Sans chercher à voir au-delà des lignes.
Sinon quelques secondes
Sans réfléchir.
Le livre associe en les rassemblant les mots, les nombres et des partitions. L’auteur recherche un fil conducteur, dans des colonnes de nombres, des lignes d’écriture ou celles de portées musicales qui réuniraient et synthétiseraient sur elles ce qui fourmille et creuse son univers complexe. Oui, tirer des fils,
« de quelques radicelles, loin sous la surface »
pour trouver en soi l’origine des mots.
Quand rien ne bouge sinon moi, en dedans.
Avec la douceur des mots qui s’installent, en dedans.
Les cinq cents mots de vocabulaire d’un paysage ordinaire.
Puis les milliers de mots cachés sous les mots apparents.
Ce que la parole dépose au fond des yeux quand tout n’est encore que silence.
Au fil des pages, le livre conduit le lecteur dans les circonvolutions de la pensée en mouvement et du livre, comme s’écrivant sous ses yeux.
HM