Ivre Québec - Vol au-dessus d’un nid de poèmes
Gérard Blua
Éditions Autres Temps - Écrits des Forges Poésie
Septembre 2002
Dans le premier poème intitulé En exergue, d’emblée, Gérard Blua revendique sa présence au monde et sa responsabilité face à sa vie dont il est l’inventeur.
« Il s’agit de savoir si tu es vivant. »
écrit le poète avec ce premier vers en guise d’un postulat qui semble inaliénable.
Dans une vie qu’il ressent faite de rivalités, où lutter est le pendant d’exister, vivre sa vie serait pour le poète l’inventer de haute lutte.
C’est peut-être une déception ou des regrets face au monde qui sont à l’origine de ce livre.
«Parfois,/ Mes vieux bagages en mains, / Moisis de haine, / Lacérés d’inutile, /…
Ils venaient de si loin / Des berges de l’histoire…/ Je m’étais cru choisi / Pour en porter la voix./… »
Qu’en est-il de la promesse reçue aux lumières de nos premiers jours ? De cet adoubement silencieux de la vie qui anime les êtres de désirs en désirs ? Qui les pousse à devenir et à exister près des autres.
« Où sont les blés de ma folie / Les jardins de mes conquêtes ?/ C’est comme si la vie / Amassait ses récoltes / Empilait ses cueillettes / en un pourrissement/… »
Un désenchantement qui guide le poète jusqu’aux rives dernières à force de rupture avec le cours des jours. Et qui trahit peut-être ses plus beaux rêves. Un dépit qui a suscité finalement ce vers :
« Le Vrai est dans la mort »
comme s’il n’était de vérité dans la vie que son issue.
Et du tréfonds de ses perceptions Gérard Blua soutient qu’écrire est un risque majeur :
«…/ Les mots des nudités/ Torturant l’innocence/ Les pudeurs dépecées/ Par les rasoirs regards/ Et la terrible certitude : Écrire est un suicide. »
Un pessimisme que je perçois dans le compte des vers de six pieds de nombreux poèmes avec leur rythme monotone. Le poète va même douter du poème :
« Que reste-t-il du poème/ Voix d’amour en pâture / Sur les voies de la mort ? »
Mais par l’entremise d’une confrontation intime, entre l’homme et le poète, mêlant tourments, désirs et rêves, la nuit qu’il traverse disparaîtra laissant surgir les lumières de la vie,
« C’est l’heure merveilleuse/ de la dissociation/du partage des songes/ l’œil brille et s’esbaudit/… »
pour qu’enfin le poème scintille de nouveau en retrouvant tous ses éclats.
Ceux peut-être de L’été indien que le poète propose dans la dernière partie du livre avec des tercets recueillis durant ces belles journées d’automne qui prolongent la beauté et la joie de l’été.
« Est-ce mensonge que revivre/ Illusion qu’oublier l’oubli ?/ J’affirme l’éternité de l’été »
Il redonne espoir et confiance en des lendemains plus légers pour que cette vie espérée devienne plus humaine et plus solidaire aussi.
« Je suis de ton visage/ Tout autant que tu es du mien/ Étrange étranger qui me ressemble tant. »
hm