FLEURY L’ ÉTÉ,
Lucienne Deschamps,
Coll. Le Merle Moqueur
Éditions Le temps des Cerises,
2020
Lucienne Deschamps est comédienne et chanteuse. Passionnée de poésie, de celle emprunte d’humanité, elle a chanté Prévert, Aragon, Vian, Genet, Hugo… et plus récemment des poètes contemporains.
Depuis une dizaine d’années elle anime des ateliers chanson dans des lieux de rétention. Avec ce premier livre Lucienne Deschamps passe de la parole aux mots. Du chant à l’écriture de sa propre voix. Elle ressort de ces ateliers emplie des émotions qui demeurent longtemps dans les replis du corps. Le livre est le fruit de cette expérience, de ces moments de rencontres et d’échanges autour de l’écriture dans les prisons. Les textes partagent son regard, font œuvre de témoignages, questionnent ces lieux de réclusion.
C’est sur une citation de Bernard Noël « écrire pour résister » que s’ouvre le livre avec le poème Santé rappelant dans ce lieu, la mémoire des premiers résistants en 1940 qui y furent incarcérés ou exécutés.
« Angle Santé jean Dolent / c’est plus précis / 18 noms de patriotes antifascistes / exécutés / 4 dates ».
Les poèmes suivants évoquent les différents lieux d’incarcérations où Lucienne Deschamps est intervenue et ses premiers contacts avec la prison en compagnie de son ami comédien Fred Personne. Ils portent les titres de Fresnes, Béthune, Poissy et Fleury 2009 qui inspire le titre de l’ouvrage.
Le livre évoque successivement les lieux d’emprisonnement,
« Pavillon des femmes / ambiance hôpital / monastère / murs roses / autant de barreaux. »
les trajets qu’emprunte Lucienne Deschamps pour s’y rendre,
« Ce long trajet / Métro / RER / Bus / Comme un sas / d’un monde à l’autre / il y a encore des morceaux / du parcours / que je ne reconnais pas / »
; les rencontres dans les stages.
« que fais-tu là / avec ta gueule d’ange blond ? / tu n’as pas su choisir / maintenant tu te reconstruis / entre slam et reggae / on voudrait tant / que la musique te sauve / et que la peur te lâche. »
C’est par bribes que les poèmes décrivent les lieux dégradés des prisons, les enfilades de portes barreaudées, les endroits insalubres, les longs couloirs, escaliers et portes à franchir pour atteindre les salles dédiées aux ateliers.
« Une quinzaine de portes / blindées ou barreaudées / L’attente entre la fermeture d’une porte / et l’ouverture de la suivante / Longue et souvent pénible / Couloirs mal éclairés / »
Les souvenirs de personnes - prisonniers, visiteurs ou surveillants -, de lieux, de moments particuliers et de paroles échangées façonnent les poèmes.
Une expérience de vie qui implique vivement,
« mais comment t’aider à aller jusqu’au bout ? »
et l’interroge au cœur du projet qu’elle mène depuis des années.
« Combien de temps encore / aurais-je la force / de porter le matériel / dans les escaliers / le long des bâtiments/ ».
Tout au long du livre, Lucienne Deschamps ne juge pas mais témoigne avec ses poèmes. Elle évoque ses souvenirs accumulés dans ces ateliers d’écriture, où rien n’est jamais gagné d’emblée dans la rencontre avec l’autre :
« Je viens vers vous / qui viendrez peut-être vers moi / peut-être pas ».
hm