En passant
Gérard Noiret
Éditions Obsidiane
Coll. Le Carré de lombes
ISBN : 978-2-916-447926
64 pages
15 €
Accompagnés de dessins noir et blanc de Jean-Louis Gerbaud une cinquantaine de poèmes composent ce court livre de Gérard Noiret, En Passant. Huit ans après Autoportrait au soleil couchant, prix Max Jacob 2012, il paraît chez son éditeur François Boddaert dans la nouvelle collection Le Carré de lombes des éditions Obsidiane.
Saisis aux instants fugaces du temps qui passe quand se télescopent de petits événements anodins, les poèmes, comme souvent chez Gérard Noiret sont courts. Fidèles à la brièveté de ces moments par lesquels ils existent, ils miroitent de contrastes et de paradoxes que le poète a ressentis et qu’il met en lumière. Proches des haïkus par cette brièveté et une poétique semblable, les poèmes sont de petits morceaux d’existence, condensés en une poignée de vers. Et dont le lecteur en ressort songeur, surpris ou amusé.
Sartène
Assister en direct
À la création d’une polyphonie
Avant d’admettre
Sa méprise
Quand les mains sur l’oreille
Rangent le portable
Ils ne sont pas le fruit particulier d’un hasard qui les aurait placés sous les pas de Noiret mais naissent de situations qu’il remarque et souligne de ses vers. Ces scènes qu’il rapporte tiennent leur existence à son acuité et à sa sensibilité. Tous ces poèmes sont issus d’instants vécus par le poète au cours de rencontres, de déplacements et de voyages.
Les plus longs d’entre eux font référence à Konakry, New York ou Venise et à d’autres villes étrangères comme Liverpool, Delhi et Medellin. D’une certaine manière ils témoignent de notre époque qui a rendu proches à nos contemporains pour quelques heures d’avions, les villes internationales en les rendant banlieues d’elles-mêmes et du monde. L’acuité du regard de Noiret que l’on retrouve dans ses premiers livres est née aussi de la banlieue où il a exercé un métier du social et dans ce décalage qui souligne des ruptures de sens et de valeurs.
Au cœur de Madison
surprendre,
en casquette et blouson,
un authentique skateur sur sa planche.
Comme peu d’explorateurs
peuvent se vanter d’avoir vu
dans leur environnement naturel
Certains poèmes d’abord énigmatiques qui ne m’ont été dévoilés que par une relecture attentive attestent d’une poésie subtile. On le sait, depuis ses textes polyphoniques de Pris dans les choses Gérard Noiret attache une grande importance à la restitution orale de ses poèmes. On remarquera à cet égard les doubles interlignages entre les vers de certains d’entre eux qui marquent les pauses ou les silences possibles d’une lecture à voix haute. Teintés souvent d’humour ils sont nourris de l’observation fine de Noiret dont le regard s’appuie sur un déplacement. Celui qui rapproche deux situations qui se heurtent soudainement dans son esprit. Comme le peintre cherche son cadre dans l’angle de vue, l’intensité d’une lumière ou la distance focale, Gérard Noiret trouve un décalage moins physique mais culturel, temporel ou social. Et qui fait sens chez chaque lecteur. C’est de l‘acuité de ce regard au prisme d’un décalage singulier que naît le poème.
À la fin du livre, le dernier poème et un texte de Jean Lacoste esquissent la forge du poète pour ce livre qui fait œuvre d’art poétique de Gérard Noiret.
Haute comme trois pommes
La gamine d’Oulins
Réplique : « La poésie
C’est quand il y a
Des mots
Et qu’on lève les yeux
en disant Ah oui ! »
hm