Derrière les maisons.
Philippe Mathy
Éditions L’herbe qui tremble
2e Trimestre 2023
ISBN :978-2-491462-49-9
Ce livre de Philippe Mathy a paru aux éditions L’herbe qui tremble au printemps 2023. Le poète belge a longtemps animé la galerie d’art Le front aux vitres et fut durant cinq années le rédacteur en chef du Journal des poètes. Auteur de nombreux livres, le Prix Mallarmé lui a été décerné en 2017 pour son livre Veilleurs d’instants.
Derrière les maisons, est composé de six ensembles. À l’exception d’un seul, tous sont accompagnés à leur début par une peinture de Ramzi Ghotbaldin. Des tableaux dans une palette de verts nuancés et sombres, où l’on devine des paysages et des scènes esquissés dans un style proche de l’abstraction. Entre l’inouï du confinement et les excès d’une canicule, le livre fut écrit dans ces périodes si particulières, suscitant l’écriture.
Avec une citation du poète américain Wendel Berry en exergue du premier ensemble, « ...combien une humble chose /peut donner de plaisir, combien peu / suffit, en ce monde si dur… », Philippe Mathy semble indiquer au lecteur la nature méditative de son rapport à la vie. Et par-là même, l’état d’esprit dans lequel il a puisé ses poèmes. On comprend alors, lisant certains d’entre eux, l’émerveillement éprouvé par le poète qui écrit :
Un merle lentement de passage
confond l’ombre
à son plumage
Je suis immobile
Je n’ai rien
tout m’est donné.
La poésie de Philippe Mathy naît de choses simples. De détails infimes qu’un discernement allié à la sensibilité souligne et retient dans les vers.
Également précédés de citations de poètes, les titres des ensembles, sur les chemins ; parmi les arbres ; quelques soirs… désignent des lieux ou des moments qui suscitèrent l’émergence des poèmes. Dans ces contextes, la poésie de Philippe Mathy s’est nourrie de l'acuité de son observation et de ses sensations.
Au milieu d’une nature proche et familière qu'il observe avec attention, le poète capte les frémissements de l'émotion qui le saisissent. Dans le jardin, près des arbres, des fleurs et des oiseaux..., il est à l'écoute du monde qui l’entoure. Sa poésie contemplative témoigne d’une vive présence et d’une conscience aiguë de l’éphémère du temps.
Je regarde les nuages
muer leurs formes dans le ciel
Qu’ont-ils à me dire
du temps qui passe ?
Pour le poète chaque instant d’émotion est l’occasion de mêler la beauté du monde aux sensations qu’il éprouve. Les poèmes se déclinent d’un premier émoi visuel jusqu’aux considérations intimes qu’il ressent.
Le lecteur peut faire sienne cette poésie tant elle évoque des moments que chacun pourrait avoir vécus. Il accompagne ainsi l’auteur dans les secrets des jardins parmi le chant des oiseaux.
on sait qu’en son jardin
on effleure déjà le paradis.
Philippe Mathy montre qu'il faut être attentif aux moindres indices qui surgissent pour ressentir les bienfaits du monde et qu’ainsi, une parcelle de joie est à la portée de tous : enfouie au fond de soi.
Tout est si beau pourtant
Un rire inaudible tremble dans l’air
peut-être suffirait-il
de l’apprivoiser
pour retrouver la joie
enfouie au fond de soi
Mais si les poèmes naissent des lieux où baigne le poète, ils puisent aussi leurs sources au profond de lui-même. Il y a dans cette écriture de soi au sein de la nature, un désir intense qui dépasse l’auteur et que peut-être, ces quelques vers illustrent.
Je cherche un ailleurs
un ailleurs est peut-être possible
loin des discours qui paralysent
Cette quête de poésie conduit le poète à percevoir humblement les beautés offertes par la vie.
Apprendre à recevoir
le monde entier
dans quelques
rayons de lumière
Comme une leçon d’ouverture au monde la poésie de Philippe Mathy nous invite à :
Laisser le temps
s'attarder
musarder
dans les méandres de ta vie.
Par Hervé Martin