Anamorphoses
Marie-Claire Bancquart
Écrits des Forges (Québec) / Autres Temps (Marseille)
110 Pages
Sous le titre de ce livre - ANAMORPHOSES - Marie-Claire Bancquart réunit trois ensembles de poèmes - D’AILLEURS ; PARIS PLAIN-CHANT ; L’ÉNIGME, INTACTE -. Sous la double nature du voyage, réel et intérieur, ils ne cessent dans la succession des poèmes qu’ils nous proposent d’interroger le monde. Le questionnement est aussi un voyage. Voyage de soi vers l’altérité, avec le mystère en horizon qui guide dans ce désir de découverte. Questionnement qui s’appuie sur l’expérience intime de l’Être et qui émet des hypothèses pour répondre à – l’énigme –. Celle qui préside à la mémoire de chaque homme face à sa présence au monde. Les anamorphoses procèdent d’une alchimie poétique qui est propre à chaque poète. Alors, comme en des traductions singulières de la vie, les poèmes surjettent le pan du réel avec celui de l’imaginaire et tissent ainsi des liens entre la réalité des choses et la nature profonde de l’auteur. La poésie fait son œuvre dans ces transmutations, ces anamorphoses, par ces poèmes que nous offre Marie-Claire Bancquart.
L’ANAMORPHOSE
Dans un poème « D’AILLEURS » l’anamorphose s’accomplit dans la superposition de visages :
« ah pourquoi / se superposaient subitement le visage / de la belle présentatrice de télévision, sur la terrasse,/ annonçant avec politesse une guerre probable / et la figure exténuée de cette femme ? »
Ce que la mémoire oublie, l’inconscient le préserve en faisant resurgir des souvenirs enfouis pour soudain les mêler au réel. Lapsus, acte manqué procèdent différemment mais sont du même ordre que ces anamorphoses. Le rêve également, dont on sait qu’il déforme les sujets, les êtres ou les lieux en ne conservant d’eux que leurs principes essentiels. L’anamorphose est une traduction et une appropriation du réel par le Poète. L’appellation de « rêveur éveillé » du Poète prend ici tout son sens.
S’EN ALLER
C’est de voyages que nous entretient ce livre. Voyages réels, géographiques vers Mexico, New York, Ceylan, le Québec ou l’Italie quand les rencontres et les visites réactivent la mémoire des connaissances et des souvenirs. Voyages vers l’Autre, en sa propre rencontre parfois dans le miroir. Voyages intimes vers les sources de sa propre image. Périples intérieurs en sensations, en perceptions et remémorations de la mémoire. Voyages du rêveur éveillé, en souvenirs réinvestis dans une foi d’espérances nouvelles :
« Peintresse en songes et mensonges,/ tête chaude, tête brûlée, /où t’en vas-tu ? »
S’en aller ? Comme le héros d’un roman picaresque. En quête d’un Graal irrévélé et répondre à l’énigme qui taraude tout être sur l’existence humaine : D’où vient l’homme ?
S’en aller, c’est d’abord songer en ce pays de l’imaginaire afin que rien ne soit laissé sans réponse et que chaque vie, susceptible d’exister, se révèle au grand jour :
« Choses, le contact avec elles / murmure/ à travers nos pores / une autre liaison encore/ sinon, pourquoi des cellules auditives dispersées / dans l’épaisseur de notre peau entière ? »
S’en aller, c’est partir pour ce voyage qu’entreprend le Poète à la découverte d’invisibles. Quand ce vocable rassemble sous son nom, tout ce que nous ne voyons pas, mais qui existera au grand jour dès qu’il sera nommé.
L’ÉNIGME
L’ensemble L’ÉNIGME, INTACTE naît de l’observation de tableaux – Uccello, Titien, Caravage, Poussin -. Portant d’abord à la méditation, ces œuvres entraînent le poète dans des pérégrinations intérieures. Les énigmes qu’elles suscitent dans l’observation de scènes sibyllines des tableaux rejoignent les préoccupations de l’observateur :
« Le triangle restreint s’ouvre à l’infini, vers le haut / une minute il nous a offert de cerner l’incernable/ et maintenant il nous entraîne, arrachés / aux lieux, aux mots, vers quel à-côté ? »
Humaines, les œuvres touchent les Êtres qui les regardent et qui les interrogent, cherchant sans cesse en elles, si ce n’est une réponse, au moins une complicité entière.
L’observation d’un tableau transporte le poète dans son imaginaire. Et par anamorphoses, en analogies et éprouvés de sensations, il nous donne ces poèmes. Comme des digressions poétiques, elles sont reflets, miroitements de l’être, face aux questions qui demeurent sans réponse :
- D’où venons-nous ? Où allons-nous ?-
« Nous vivons mélangés / aux miroirs, aux feuilles, aux étoiles / mais dans quel instant de l’espace ?
hm