Une note de Jean-François Mathé sur J'en gage le corps

 

 

 

Dans la revue FRICHES N° 113 de mai 2013, Jean-François Mathé propose une note de lecture de J'EN GAGE LE CORPS dont voici le texte:

 

Hervé MARTIN : J’EN GAGE LE CORPS

 

Editions de l’Amandier, 2011 – 80 pages, 13 euros

 

Le livre d’Hervé Martin s’ouvre sur « la question de la mort ». Cette « humaine universelle épreuve », le poète note que, de plus en plus, la société actuelle s’en détourne comme pour éviter de l’appréhender, d’en ressentir les atteintes aussi bien dans la chair de ceux qui meurent que dans celle de ceux que les défunts laissent face à leur absence. C’est cette esquive que Hervé Martin refuse avec force en concluant son premier texte par l’injonction : « Il faut voir la mort car qui ne voit la mort n’a pas vécu vraiment. »

 

Toute la suite du recueil dépliera cette confrontation avec la mort, essentiellement par la remémoration des êtres perdus, la lente, patiente, tâtonnante remontée vers eux.

 

Des trois parties du livre, la première s’intitule Ce qui ne parle pas (remémorations). Les poèmes y sont écrits en une prose dont chaque ligne, par des espacements, fragmente l’énonciation. Dans les blancs ainsi ménagés, le lecteur a la sensation d’éprouver le difficile travail de la mémoire dans les choix qu’elle fera et qui pèseront le plus en elle. La sensation aussi de chercher son souffle dans l’effort de remettre au jour la présence la plus vive possible des êtres chers et disparus. Comme l’annonce le titre de l’ouvrage, le corps, celui de l’auteur comme celui du lecteur est tout autant que les mots engagé dans la matière du poème :

 

 

J’allais aussi montée lente haut du cimetière

 

sur la tombe blanc gravier angelot agenouillé

 

veilleur mon frère aîné mort à quelques mois

 

 

Ce retour « physique » dans le passé permet, autant que faire se peut, de le rematérialiser, de lui rendre une épaisseur presque palpable : les détails sonores, visuels recréent des bruits, des voix, des couleurs, comme ces bretonnes habillées noir et coiffées blanc. Mais Hervé Martin garde en chacun de ses poèmes la lucidité et la douleur de savoir que les parents, les amis morts, aussi remémorés soient-ils sont à jamais des absents : portions de moi parties comme un membre, écrit-il. Et si la poésie ne peut abolir cette distance entre les morts et nous, au moins peut-elle la rendre habitable par ce que la mémoire garde et par ce que l’émotion ranime des défunts dans le tremblé des mots.

 

La deuxième partie (Sur l’encours des jours) constituée de deux monologues, l’un adressé à la mère, l’autre au père, est justement centrée sur la réinvention de leurs vies dans des éclats de souvenirs rendus plus vifs par l’écriture en vers libres et brefs : Tout alors me revient / mêlé entre ce que tu fus / et ce que ma mémoire en fit. Ces monologues sont des hommages à deux êtres chers, à leur présence physique et affective dans l’enfance de l’auteur qui se résigne à leur part de mystère désormais inaccessible.

 

Dans Contre la nuit, troisième et dernière séquence du livre, Hervé Martin s’interroge sur le bien-fondé et le sens de sa quête : Que penser de ton épanchement / confus que dire de ce miroir / renversé sur ce qui ne vit plus.

 

 

Que fouilles-tu Que voudrais-tu / entendre qui ne fut déjà dit.

 

 

La réponse à ces questions se trouve peut-être dans ces quatre vers : Toi qui recherches ce / qui n’existe pas Comme un sol / stable pour avancer / dans ta respiration du jour. Comment mieux dire que nous ne pouvons vivre le présent et aller vers l’avenir si nous ne portons pas en nous-même notre origine, ce et ceux qui nous ont fait, si notre humanité n’est pas aussi constituée de la mémoire des morts ? Pas de fleuve sans source, pas d’homme non plus. Et la poésie n’a pas qu’à suivre le courant, elle a aussi à le remonter.

Dans une écriture sensible, à la fois simple et travaillée dans le corps de la langue par des décalages typographiques, syntaxiques qui lui donnent son relief particulier, Hervé Martin offre un texte d’hommage et d’amour à ces disparus qui firent son enfance fondatrice et donc l’homme qu’il est aujourd’hui.

 

 

 

Jean-François Mathé

 

 

 

 

LIVRES PARUS

En collaboration avec Sophie Brassart pour les encres.
D'une vallée perdue à mes jours de mémoire -Ed. Au Salvart

Sur le site Le Pays d'Yveline, Un texte critique de Jocelyne Bernard sur l'ensemble de mes livres.

Sous l'odeur des troènes - Éditions Unicité.
Sous l'odeur des troènes - Éditions Unicité.

Sur le site de littérature colombien Panorama Cultural  quelques poèmes extraits de "Sous l'odeur des troènes " éd.Unicité,  Ils ont été traduits par la poète Maggy de Coster. Un grand merci pour elle !

"Origines du poème "- Éditions Au Salvart

Hervé Martin Digny : En frayant un chemin.

Un carnet numérique.Des notes,notes de lectures, poèmes, chroniques sur des numéros anciens de revues de poésie...

Editions Unicité
Recouvrer le monde suivi de Zone naturelle - Ed. Unicité
Dans la traversée du visage - Ed. du Cygne
Dans la traversée du visage - Ed. du Cygne

     Les livres

Métamorphose du chemin -Disponible chez l'auteur
Métamorphose du chemin -Disponible chez l'auteur
http://www.marc-giai-miniet.com/page27.html
Comme une ligne d'ombre -Disponble chez l'auteur et l'éditeur Marc Giai-Miniet
Au plateau des Glières -Ed. de la Lune bleue (épuisé)
Au plateau des Glières -Ed. de la Lune bleue (épuisé)
J'en gage le corps- Disponible chez l'auteur.
J'en gage le corps- Disponible chez l'auteur.
Et cet éprouvé des ombres - Ed. Henry
Et cet éprouvé des ombres - Ed. Henry
Toutes têtes hautes - Ed. Henry
Toutes têtes hautes - Ed. Henry

   Photographies


Avec Véronique Arnault lors de la lecture de Métamorphose du chemin à la galerie Bansard. 15/11/2014
Avec Véronique Arnault lors de la lecture de Métamorphose du chemin à la galerie Bansard. 15/11/2014
Lecture Galerie Bansard le 15/11/2014
Lecture Galerie Bansard le 15/11/2014
27 mars 2011 - Chateau de Coubertin
27 mars 2011 - Chateau de Coubertin

 

Lecture dans la réserve - 2 oct 2011 -Lydia Padellec & Hervé Martin
Lecture dans la réserve - 2 oct 2011 -Lydia Padellec & Hervé Martin