Une lecture de la poésie
La poésie est langage et travail sur les mots. Langages multiples et singuliers, dont l’abord n’est pas toujours aisé. L’appropriation - la jouissance - de textes aux formes poétiques différentes nécessite une pratique de la lecture, silencieuse ou à voix haute, par laquelle la poésie essaime. Elle permet, à notre insu parfois, l’acquisition de la sémiotique des différents langages. Aucune explication, si érudite soit-elle, ne nous épargne l’appropriation d’un texte par sa lecture et ne rivalise avec cette expérience. Expérience du lecteur face au texte où le plaisir n’est pas nécessairement, ni d’abord, ni toujours au rendez-vous. Et il faut admettre que pour diverses raisons – de sensibilité, de culture, de cognition, – un texte échappe à notre lecture et que nous n’y soyons pas sensibles. Mais accepter qu’un texte poétique puisse nous paraître d’abord hermétique avant de nous révéler ses ors, est sans doute le premier des pas qu’il nous faut dépasser. Un pas vers la re-connaissance d’un Autre dans sa singulière écriture. Approche de l’Autre par nos yeux posés sur le texte et leur insistance dans ce désir.
La lecture silencieuse ou mieux encore à voix haute est propre à saisir la dimension d’un texte dans son rythme, sa sonorité, sa forme. Forme sur la page, dont une traduction parfois peut se révéler dans la voix par l’oralité d’un texte. Et si comme l’écrit Paul Valery « Le poème » est « cette hésitation prolongée entre le son et le sens », la forme du poème sur la page, les blancs, les vers parsemés jouent aussi ce rôle perturbateur de sens en créant des confusions propres à en perdre « un instant au moins » la maîtrise.
La lecture est un partage. Pas du lecteur dans sa marche, vers les pas de celui qui écrit, pour une région sensible où la solitude de l’être peut-être partagée.